Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/245

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eut plus le loisir et elles restent perdues et dispersées, comme le parfum des fleurs qui croissent aux endroits inhabités, pour embaumer un jour les sentiers du voyageur inconnu que le hasard y amène. Nous avons entendu en Pologne plusieurs de ces mélodies qui lui sont attribuées, dont quelques unes seraient vraiment dignes de lui. Mais, qui oserait maintenant faire un triage incertain entre les inspirations du poëte et de son peuple ?

La Pologne eut bien des chantres ; elle en a qui prennent rang et place parmi les premiers poetes du monde. Plus que jamais ses écrivains s’efforcent de faire ressortir les côtés les plus remarquables et les plus glorieux de son histoire, les côtés les plus saisissans et les plus pittoresques de son pays et de ses mœurs. Mais Chopin, différant d’eux en ce qu’il n’en formait pas un dessein prémédité, les surpassa peutêtre en vérité par son originalité. Il n’a pas voulu, n’a pas cherché ce résultat ; il ne se créa pas d’idéal a priori. Son art semblait de prime-abord ne point se prêter à une « poésie nationale » ; aussi ne lui démanda-t-il pas plus qu’il ne pouvait donner. Il ne s’efforça pas de lui faire raconter ce qu’il n’aurait pas su chanter. Il se souvint de ses gloires patriotiques sans parti pris de les transporter dans le passé ; il comprit les amours et les larmes contemporaines sans les analyser par avance. Il ne s’étudia, ni ne s’ingénia à écrire de la musique polonaise ; il est possible qu’il eut été étonné