Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/274

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qu’il pèse moins fatalement, qu’il a perdu de sa terrifiante fixité.

Peu à peu les clartés grisâtres augmentent et s’allongent à l’horizon, en lignes étroites comme des fissures. Incontinent,elles s’élargissent ; elles rongent leurs bords, elles font irruption, comme la nappe d’un étang inondant en flaques irrégulières ses arides rivages. Des oppositions tranchées se forment, des nuées s’amoncellent en bancs sablonneux ; on dirait des digues accumulées pour arrêter les progrès du jour. Mais, comme ferait l’irrésistible courroux des grandes eaux, la lumière les ébrèche, les démolit, les dévore et, à mesure qu’elle s’élève, des flots empourprés viennent les rougir. Cette lumière qui apporte la sécurité, brille en cet instant d’une grâce conquérante et timide dont la chaste douceur fait ployer le genou de reconnaissance. Le dernier effroi a disparu, on se sent renaître !

Dès lors les objets surgissent à la vue comme s’ils ressuscitaient du néant. Un voile d’un rose uniforme semble les recouvrir, jusqu’à ce que la lumière, augmentant d’intensité sa gaze légère, se plisse ça et là en ombres d’un pâle incarnat, tandis (pie les plans avancés s’éclairent d’un blanc et resplendissant reflet. Tout d’un coup, l’orbe brillant envahit le firmament. Plus il s’étend, plus son foyer gagne d’éclat. Les vapeurs s’amassent et se roulent de droite et de gauche , comme des pans de rideaux. Alors tout respire, tout palpite, s’anime, remue, bruit, chante ; les sons se mêlent, se croisent.