Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/284

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d’un cœur épris, surexcité par l’admiration, terrassé par la reconnaissance, Chopin transporta un moment, un seul moment, dans les pures régions de l’art, soudainement, par un choc de sa baguette magique : — ce fut un moment d’angoisse et de douleur ! Mme Sand le raconte quelque part, parmi les récits qu’elle fit sur ce voyage, en trahissant l’impatience que lui faisait déjà éprouver une affection trop entière, puisqu’elle osait s’identifier à elle au point de s’affoller à l’idée de la perdre, oubliant qu’elle se réservait toujours le droit de propriété sur sa personne quand elle l’exposait aux corruptions de la mort ou de la volupté. — Chopin ne pouvait encore quitter sa chambre, pendant que MmeSand promenait beaucoup dans les alentours, le laissant seul, enfermé dans son appartement, pour le préserver des visites importunes. Un jour, elle partit pour explorer quelque partie sauvage de l’île ; un orage terrible éclata, un de ces orages du midi qui bouleversent la nature et semblent ébranler ses fondemens. Chopin, qui savait sa chère compagne voisine des torrens déchaînés, éprouva des inquiétudes qui amenèrent une crise nerveuse des plus violentes. Comme pourtant l’électricité qui surchargeait l’air finit par se transporter ailleurs, la crise passa ; il se remit avant le retour de l’intrépide promeneuse. N’ayant pas mieux à faire, il revint h son piano et y improvisa l’admirable Prélude en fis moll. Au retour de la femme aimée, il tomba évanoui. Elle fut peu touchée, fort agacée même, de cette preuve d’un attachement