Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/306

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et une Valse très-courte, comme un lambeau de souvenir.

En dernier lieu, il avait projeté d’écrire une Méthode de piano, dans laquelle il eût résumé ses idées sur la théorie et la technique de son art, consigné le fruit de ses longs travaux, de ses heureuses innovations et de son intelligente expérience. La tâche était sérieuse et exigeait un redoublement d’application, même pour un travailleur aussi assidu que l’était Chopin. En se réfugiant dans ces arides régions, il voulait peut-être fuir jusqu’aux émotions de l’art, auquel la sérénité, la solitude, les drames secrets et poignans, la joie ou l’enténèbrement du cœur, prêtent des aspects si différens ! Il n’y chercha plus qu’une occupation uniforme et absorbante, ne lui demanda plus que ce que Manfred demandai ! vainement aux forces de la magie : l’oubli !… L’oubli, que n’accordent ni les distractions, ni l’étourdissement, lesquels au contraire semblent, avec une ruse pleine de venin, compenser en intensité le temps qu’elles enlèvent aux douleurs. Il voulut chercher l’oubli dans ce labeur journalier, qui « conjure les orages de l’âme », — der Seele Sturm beschwôrt, — en engourdissant la mémoire, lorsqu’il ne l’anéantit pas. Un poète, qui fut aussi la proie d’une inconsolable mélancolie, chercha également, en attendant une mort précoce, l’apaisement de ces regrets découragés dans le travail, qu’il invoque comme un dernier recours contre l’amertume de la vie à la fin d’une mâle élégie :