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énergiquement dès qu’elles les ressaisissent avec force. Nous n’avons pas négligé de faire remarquer les principaux endroits où l’auteur a employé cette innovation, qui peut devenir si féconde, ouvrir une source nouvelle d’effets et ajouter un intérêt de plus à la musique dramatique. Qu’est-ce qui peut mieux nous identifier avec les personnages dont nous sommes appelés à contempler les destinées, que de partager leurs sensations pour ainsi dire ? Et quel autre art que la musique, pourrait de la sorte nous communiquer leurs troubles et leurs émois ? nous révéler leurs retours et leurs gradations ? les doux frissonnemens précurseurs de la passion, les transports qui l’accompagnent, comme les saisissements subits, les froides sueurs, les lames aigües, les accablements et les suffocations que la douleur ramène avec elle ? La poésie traduit ces mouvemens quand les émotions se sont déjà condensées dans notre entendement, qu’elles se sont formulées en pensées, et se font jour en idées définies, en phrases construites. La musique ainsi appliquée, nous découvre l’envahissement et l’intensité des émotions, avant qu’elles aient parlé, — sans qu’elles aient parlé ! N’en est-il pas qui doivent au silence plus de beauté, et plus de grandeur ? Élisabeth, en s’avançant devant la rampe, pour chanter dans un grand air son inexprimable désolation, nous eût-elle touché comme elle le fait, en refusant d’un geste à Wolfram, le droit de