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gaze parait ourdie et renflée par les souffles d’en haut ; graduellement ces arrêtes se fondent ; elles disparaissent d’une manière insensible dans un vague amoindrissement, jusqu’à ce qu’elles se métamorphosent en insaisissables parfums qui nous pénètrent comme des senteurs venues de la demeure des Justes.

Le spectateur préparé et résigné à ne chercher aucun de ces morceaux détachés, qui engrenés l’un après l’autre sur le fil de quelque intrigue, composent la substance de nos opéras habituels, pourra trouver un singulier intérêt, à suivre durant trois longs actes, la combinaison profondément réfléchie, étonnamment habile, et poétiquement intelligente avec laquelle Wagner, aux moyens de plusieurs phrases principales, a serré un nœud mélodique qui constitue tout son drame. Les replis que font ces phrases en se liant et s’entrelaçant autour des paroles du poème, sont d’un effet émouvant au dernier point. Mais si, après en avoir été frappé et impressionné à la représentation, on veut encore se rendre mieux compte de ce qui a si vivement affecté, et étudier la partition de cette œuvre d’un genre si neuf, on reste étonné de toutes les intentions et nuances qu’elle renferme et qu’on ne saurait immédiatement saisir. Quelles sont les épopées et les drames de grands poëtes qu’il ne faille pas long-