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Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/137

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Sans prévenir, on joua un trio de Pixis au lieu et place de celui de Beethoven. Les bravos furent plus nombreux, plus éclatants que jamais, et lorsque le trio de Beethoven prit la place marquée pour celui de Pixis, on le trouva froid, médiocre, ennuyeux même, à ce point que beaucoup de gens s’en furent, déclarant fort impertinent à M. Pixis de se faire entendre à un auditoire qui venait d’admirer les chefs-d’œuvre du grand maître. Je suis loin d’inférer de ce que je vous raconte là qu’on ait eu tort d’applaudir le trio de Pixis ; mais lui-même ne pourrait recevoir sans sourire de pitié les bravos d’un public capable de confondre deux compositions et deux styles aussi complètement différents, car, à coup sûr, les gens qui tombent dans une pareille méprise sont totalement inaptes à apprécier les véritables beautés de ses œuvres. Oh ! s’écriait Gœthe, qui pourtant, suivant les notions vulgaires, jouit plus qu’aucun autre de sa gloire, qui fut le poète heureux de son siècle, salué roi par ses contemporains, « Oh ! ne me parle pas de cette foule bigarrée dont l’aspect seul peut faire disparaître notre enthousiasme. Cache-moi ce tourbillon du peuple qui peut nous entraîner contre notre volonté, au milieu du torrent. Conduis-moi dans une de ces retraites paisibles, là où fleurit la vraie joie du poète, là où l’amitié et l’amour, envoyés par la main de Dieu, répandent leurs bénédictions sur notre cœur. »

Il est de fait qu’aujourd’hui une certaine éducation musicale est le partage du plus petit nombre.