Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/189

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généralement lieu aux jours consacrés à la Madone. Dis la veille, elles sont annoncées par l’ébranlement continu d’une petite cloche au timbre clair, qu’ils appellent campanella di festa, et dont les notes pressées sur un rythme capricieux, varié à l’infini, sèment l’air de gaieté et d’allégresse. Nous ne connaissons point dans le Nord ces cloches folâtres ; les nôtres sont graves, sérieuses ; elles rendent témoignage de l’esprit contraire des deux catholicismes, dont l’un s’est empreint des sombres mythes de la Scandinavie, tandis que l’autre a retenu comme un parfum de Grèce, comme un ressouvenir du paganisme. Comment ne pas se rappeler les anciens sacrifices à Vénus, en voyant dans les solennités de jeunes filles et de jeunes garçons apporter à l’autel des paniers ornés de fleurs, contenant des gâteaux, des fruits et jusqu’à des volailles, que le prêtre bénit et qui se vendent ensuite au bénéfice de la fabrique ? Les processions sont choses grotesques : figurez-vous une longue file de femmes, la plupart vieilles, la tête enveloppée d’un châle crasseux en guise de voile, chantant d’une voix aigre les litanies ; suivent des hommes porte-cierges, affublés d’une robe étroite comme une gaine de parapluie, en toile jadis rouge, à laquelle le temps et l’inclémence des saisons ont donné toutes les nuances des feuilles d’automne. Puis une statue de la Madone, grimaçante et bariolée, portée sous un dais rapiécé. Tout cela ressemble plus à l’ignoble parade d’un charlatan