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Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/198

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des intérêts de cœur ; rien, pas même l’imperceptible nuance qui sépare le suppliant de la veille de l’amant heureux du lendemain. Est-ce un mal ? est-ce un bien ? décidez cela dans votre sagesse. Il en résulte dans les mœurs une habitude de sincérité qui me paraît, je l’avoue, de tous points préférable à la pruderie des Françaises. Il n’y a point à Milan de grimace convenue, de circonlocution perfidement honnête pour dire qu’une femme a un amant. Cela se dit tout simplement sans méchanceté aucune et sans l’affectation de surprise compatissante ou d’indignation vertueuse obligée en France. Chez nous la vertu des femmes du monde est une échasse sur laquelle monte leur vanité ; en Italie les femmes honnêtes n’imaginent point de s’en faire un mérite, elles ne s’enferment point dans le cercle hérissé de pointes qui garde la chasteté des Françaises, et ne condamnent point le genre humain du haut de leur impertinente vertu. Il est possible que cela soit tout aussi moral : il est certain que cela est infiniment plus aimable.

On se plaint généralement que l’habitude du théâtre a détruit à Milan l’esprit de conversation. Sans doute l’épouvantable fracas des instruments en cuivre, ce grand sauve qui peut des compositeurs aux abois, est peu favorable à l’attention que demande une causerie soutenue ; sans doute aussi les perpétuelles allées et venues des loges, le « comment vous portez-vous ? » toujours répété