Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/221

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vous ? Ne se pourrait-il pas, qu’en fouillant bien on ne le retrouvât dans votre garde-robe, un peu fané, un peu usé peut-être, un peu honteux surtout de se trouver là, entre une robe de chambre passée de mode et des pantoufles trouées ? Oh ! mon ami, croyez-moi, point d’accusation de versatilité, point de récriminations : le siècle est malade ; nous sommes tous malades avec lui ; et, voyez-vous, le pauvre musicien a encore la responsabilité la moins lourde, car celui qui ne tient pas la plume et qui ne porte pas l’épée peut s’abandonner sans trop de remords a ses curiosités intellectuelles, et se tourner de tous les côtés où il croit apercevoir la lumière.

Il est souvent mal assis sur le tabouret qui lui sert de siège ; mais il n’envie point ceux qui se trouvent bien assis dans leur égoïsme, et, fermant les yeux de leur cœur et de leur intelligence, semblent ne vivre que par la bouche et par l’estomac. Mon ami, nous ne sommes pas de ceux-là, n’est-il pas vrai ? nous n’en sommes pas, nous n’en serons jamais.

Mais pour quitter ce ton solennel qui a presque l’air d’un reproche, quand je vous dois au contraire les plus affectueux remerciements, savez-vous quels sont en ce moment mes dadas de prédilection ? Oh ! pour cette fois, je suis bien sûr que vous n’y trouverez pas à redire ; ce sont ces vieux chevaux de bronze, ces tristes voyageurs qui ont tant vu de contrées et tant de choses, et qui ont assisté à la