Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/233

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il me vint à l’esprit d’improviser sur des thèmes proposés par les dilettanti et choisis par acclamations. Cette façon d’improvisation établit entre le public et l’artiste un rapport plus direct. Ceux qui ont proposé des motifs ont engagé jusqu’à un certain point leur amour-propre ; l’adoption ou le rejet de ses motifs devient un sujet de triomphe pour l’un, de dépit pour l’autre, de curiosité pour tous. Chacun est désireux d’entendre ce que le musicien fera de l’idée qu’on lui a imposée. Chaque fois qu’il la présente sous une forme nouvelle le donataire se réjouit du bon effet qu’elle produit comme d’une chose à laquelle il a contribué. Cela devient une œuvre en commun, un travail de ciselure exécuté par l’artiste autour de joyaux qui lui ont été confiés. À ma dernière séance musicale, un charmant petit calice d’argent d’un ouvrage exquis, attribué à l’un des meilleurs élèves de Cellini, avait été placé à l’entrée de la salle pour recevoir les bulletins thématiques. Quand je procédai au dépouillement du scrutin, je trouvai, ainsi que je m’y attendais, un nombre considérable de motifs de Bellini, de Donizetti, puis au grand divertissement de l’auditoire, je lus sur un papier soigneusement plié par un anonyme qui n’avait pas douté un instant de l’immense supériorité de son choix : Il duomo di Milano. Oh ! oh ! fis-je, voici quelqu’un qui profite de ses lectures ; ce monsieur se souvient de la définition de Mme de Staël : La musique est une architecture de sons ; il est curieux d’en constater