Page:Liszt - Pages romantiques, 1912, éd. Chantavoine.djvu/287

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ce que vous concluez, c’est-à-dire que je n’ai rien, ou si peu que rien à vous dire.

Vous êtes à ce que je vois, mon cher Schlesinger, dans une étrange erreur, commune du reste à beaucoup de gens ; vous vous imaginez que l’Italie est encore aujourd’hui le centre du monde musical, que le mouvement y est grand, qu’une forte impulsion est donnée à l’art dans la patrie de Rossini et de Paganini, ces deux représentants suprêmes de la composition et de l’exécution ; détrompez-vous. Il existe évidemment un mouvement musical en Italie ; mais, d’une part, ce mouvement n’anime que la sphère dramatique, de l’autre je dirais volontiers qu’à cette heure c’est une agitation dans le vide, un mouvement stationnaire que peut-être même on serait assez fondé à considérer comme rétrograde.

Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de vous l’écrire de Milan, il ne peut en aucune façon être question de musique instrumentale, lorsqu’on parle de musique en Italie. Ce n’est pas à dire qu’il ne s’y trouve plusieurs instrumentistes remarquables ; mais ces artistes isolés, quelque plaisir qu’il y ait pour le public à les entendre, ne sauraient beaucoup contribuer au progrès. En musique comme en toutes choses, le principe d’association est le seul fécond en grands résultats ; ce n’est que là où plusieurs sont rassemblés que l’esprit se manifeste. Un individu n’est vraiment puissant qu’autant qu’il groupe autour de lui d’autres individus auxquels il communique son sentiment et sa pensée ; seul, il étonnera,