C’est ainsi que, transfigurée par l’amour et le génie, Béatrice, ce lis mystique, cette fleur des régions idéales, cette sœur des anges, apparaît désormais aux regards éblouis comme une bienheureuse habitante du divin séjour, rayonnante des clartés immortelles de l’apothéose.
MIGNONNE
Mignonne part ce soir !
Ce soir, le sifflet strident de la locomotive aura brisé toutes nos joies, anéanti toutes nos espérances, et livré au passé quelques journées de bonheur que nous aurions voulu voir durer toujours !
Ce soir, mon regard aura rencontré une dernière fois le sien, et je n’aurai pour me consoler que ce mirage décevant des émotions ressenties qui se reflète au fond de l’âme et qu’on nomme le souvenir.
Ce soir, je serai bien malheureux !
C’est que voilà tout un mois que nous avons vécu de la même vie de famille, devisant ensemble sur l’avenir comme s’il nous appartenait, et oubliant que bientôt allait sonner l’heure des adieux ! C’est que l’amour monte vite au cœur quand on est deux et qu’on a vingt ans !
Des le premier jour, nos yeux se sont compris ; le lendemain, nos âmes se sont aimées ; le reste du temps, nous nous sommes abandonnés au sentiment délicieux qui nous attirait l’un vers l’autre. Hier, j’ai vu une larme rouler sur la joue pâlie de Mignonne, quand je lui ai parlé de notre séparation prochaine, et, moi, je me suis tû, car j’avais dans la gorge des sanglots qui m’étouffaient…
Ce matin, pendant que Mignonne reposait, je me pro-