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CLAUDE BERNARD


Ce n’est pas seulement dans l’histoire politique des peuples qu’il est des hommes dont le nom suffit à résumer une époque, un progrès ; les sciences aussi, et cette fois d’une manière plus stable, par un progrès d’une nature plus définitive, comptent leurs grands fondateurs. Si l’œuvre de ceux-ci n’apparaît souvent avec toute sa grandeur que longtemps après qu’ils ont disparu, quelques-uns sont assez heureux pour assister au triomphe définitif de la science qu’ils ont créée, et pour pouvoir, dès lors, consacrer tous leurs efforts, sans lutte et sans déboire, au large développement de recherches qui ne rencontrait plus d’obstacles que dans les difficultés inhérentes à la nature même de leur objet. Aussi la perte de tels hommes est-elle pour leurs contemporains d’autant plus douloureuse, que le sentiment de ce qu’ils avaient déjà accompli donne la mesure de ce qu’ils étaient appelés à faire encore. Tel a été le double sentiment de regret de tous ceux qui savent ce que sont aujourd’hui les sciences biologiques, en apprenant la mort de Claude Bernard, le fondateur de la physiologie générale, le créateur de la médecine expérimentale.

Si la physiologie proprement dite doit à Claude Bernard son titre incontesté de science précise, c’est-à-dire dont l’objet et la méthode sont également déterminés, l’œuvre de l’illustre expérimentateur sort par cela même du cadre étroit où il semblait lui-même se plaire à la confiner : elle touche à la philosophie générale des sciences, dont elle étend et complète le cadre, et c’est à ce point de vue que nous allons essayer de jeter ici un coup d’œil d’ensemble sur les principaux points de l’œuvre du maître.