Page:Littré & Wyrouboff - La Philosophie positive, tome 20.djvu/433

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
433
CLAUDE BERNARD

voir que les propriétés vitales n’ont pas plus de spontanéité par elles-mêmes que les propriétés minérales, et que ce sont les mêmes conditions physico-chimiques générales qui président aux manifestations des unes et des autres.


— Nous avons dit que la physiologie expérimentale est devenue entre les mains de Claude Bernard une science dans laquelle l’empirisme a été remplacé par une méthode rigoureuse et exacte. C’est que Claude Bernard s’est appliqué à découvrir les circonstances déterminantes des phénomènes et à établir par mille exemples particuliers la valeur absolue de ce principe général, à savoir que, pour les phénomènes de la vie, comme pour les phénomènes des corps bruts, les mêmes causes, dans les mêmes circonstances, produisent les mêmes effets. Cet axiome, universellement admis pour ce qui est des faits physico-chimiques, avait à être démontré pour les phénomènes de l’organisme vivant, où la complexité des causes déterminantes et des conditions modificatrices est telle, que l’observateur peut se croire, au premier abord, en présence de manifestations capricieuses affranchies de toute loi : la loi des phénomènes vitaux, disait hardiment Gerdy au commencement de ce siècle, est précisément de n’avoir pas de loi.

C’est dès le début de sa carrière que Claude Bernard se trouva aux prises avec des expériences qui l’amenèrent à cette recherche exacte des circonstances déterminantes des phénomènes, et à l’établissement de ce principe qui a été comme la philosophie de son enseignement, le déterminisme. Aujourd’hui que ces notions générales ont fait leur chemin, on a peine à se rendre compte que ce mot de déterminisme ait pu devenir le titre d’une doctrine et ce n’est qu’en jetant un coup d’œil sur l’histoire de cette question qu’on peut se rendre compte des difficultés qu’il y a eu à démontrer une loi fondamentale qui nous paraît évidente par elle-même. Magendie venait de découvrir le phénomène de la sensibilité récurrente du bout périphérique des nerfs moteurs ; par une circonstance en apparence inexplicable, ce phénomène qu’il avait montré à tous ses auditeurs, et que des savants contemporains avaient observé ensuite, se disposant même à lui disputer la priorité de la découverte, ce phénomène ne se reproduisit plus quand lui ou ses rivaux voulurent reprendre l’étude de la question. Y avait-il caprice de la nature ? Une propriété d’un nerf pouvait-elle exister aujourd’hui, et, sans que rien fût changé dans