Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/35

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dans ces écarts il y a de la fantaisie sans doute, mais il y a aussi un rémora imposé par le passé. À ce terme manifestement d’origine savante et qui lui déplut comme terme courant, l’usage, en un moment d’humeur, s’avisa de lui infliger une signification péjorative ; et, cela fait, on passa sans grande peine de résumer, récapituler, à critiquer, trouver à redire.

Espiègle. — On peut admirer comment une langue sait faire de la grâce et de l’agrément avec un mot qui semblait ne pas s’y prêter. Il y a en allemand un vieux livre intitulé Till Ulespiegle, qui décrit la vie d’un homme ingénieux en petites fourberies. Remarquons que Ulespiegel signifie miroir de chouette. Laissant de côté ce qui pouvait se rencontrer de peu convenable dans les faits et gestes du personnage, notre langue en a tiré le joli mot espiègle, qui ne porte à l’esprit que des idées de vivacité, de grâce et de malice sans méchanceté. C’est vraiment, qu’on me passe le jeu de mot, une espièglerie de bon aloi, que d’avoir ainsi transfiguré le vieil et rude Ulespiegle.

Fille. — Ce mot, si noble et si doux, est un de ceux que la langue moderne a le plus maltraités ; car elle y a introduit quelque chose de malhonnête. L’ancienne langue exprimait par