Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/48

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blème que je livre aux curieux de la dérivation des significations ; c’est une partie de la lexicographie qui a son intérêt.

Greffe (le) et Greffe (la). — Parmi les personnes étrangères aux études étymologiques, nul ne pensera que le greffe d’un tribunal et la greffe des jardiniers soient un seul et même mot. Rien pourtant n’est mieux assuré. Les deux proviennent du latin graphium, poinçon à écrire ; on sait que les anciens écrivaient avec un poinçon sur des tablettes enduites de cire. De poinçon à écrire, on tire le sens de lieu où l’on écrit, où l’on conserve ce qui est écrit. Voilà pour greffe du tribunal. Mais c’est aussi d’un poinçon que l’on se sert pour pratiquer certaines entes ; de là on tire l’action de placer une ente et le nom de l’ente elle-même. Voilà pour la greffe des jardiniers. Heureusement l’usage a mis, par le genre, une différence entre les deux emplois.

Grief, griève. — Grief nous offre une déformation de prononciation ; il représente le grav du latin grav-is, qui est monosyllabique ; et pourtant il est devenu chez nous disyllabique. C’est une faute contre la dérivation étymologique, laquelle ne permet pas de dédoubler un a de manière à en faire deux sons distincts.