Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/51

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pas, bien entendu, cette faute ; elle était trop près de l’origine pour se méprendre. Mais ici, comme dans grief, l’r a fait sentir son influence ; la difficulté d’énoncer monosyllabiquement ce mot a triomphé des lois étymologiques, et le grun latin est devenu le disyllabe groin. Je regrette, en ceci du moins, que le spiritisme n’ait aucune réalité, car j’aurais évoqué un Français du douzième siècle, et l’aurais prié d’articuler groin près de mon oreille. Faute de cela, la prononciation monosyllabique de groin reste, pour moi du moins, un problème.

Guérir. — Ce mot vient d’un verbe allemand qui signifie garantir, protéger. Et en effet l’ancienne langue ne lui connaît pas d’autre acception. Au douzième siècle, guérir ne signifie que cela ; mais au treizième siècle la signification de délivrer d’une maladie, d’une blessure, s’introduit, et fait si bien qu’elle ne laisse plus aucune place à celle qui avait les droits d’origine. Que faut-il penser de ce néologisme, fort ancien puisqu’il remonte jusqu’au treizième siècle ? En général, un néologisme qui n’apporte pas un mot nouveau, mais qui change la signification d’un mot reçu n’est pas à recommander. La langue avait saner du latin sanare ; saner suffisait ; il a péri, laissant pourtant des parents, tels que sain, santé qui le