Page:Littré - Pathologie verbale ou lésions de certains mots dans le cours de l’usage.djvu/74

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n’en est pas de même du verbe placer. Celui-ci, à en juger par les textes, serait un néologisme de la fin du seizième siècle, néologisme fort bien accueilli par le dix-septième, qui a fait très bon usage de ce verbe et qui nous l’a légué pleinement constitué. Nul ne sait aujourd’hui quel est le hardi parleur ou écrivain qui, le premier, hasarda un verbe dérivé de place, et destiné à former un auxiliaire fort commode de mettre. Si ce verbe se créait aujourd’hui, l’Académie voudrait-elle l’accueillir dans son dictionnaire ?

Poison. — Deux genres de pathologie affectent ce mot : il n’a jamais dû être masculin, et jamais non plus il n’a dû signifier une substance vénéneuse. Poison est féminin d’origine ; car il vient du latin potionem ; toute l’ancienne langue lui a donné constamment ce genre ; le peuple est fidèle à la tradition, et il dit la poison, au scandale des lettrés qui lui reprochent son solécisme, et auxquels il serait bien en droit de reprocher le leur. C’est avec le dix-septième siècle que le masculin commence. Pourquoi cet étrange changement de genre ? On n’en connaît pas les circonstances, et on ne se l’explique guère, à moins de supposer que poisson, voisin de poison par la forme, l’a attiré à soi et l’a condamné au solécisme. Mais là n’est pas la seule particularité que ce mot présente ; il