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Page:Livre d'hommage des lettres françaises à Émile Zola, 1898.djvu/33

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militaire. Un ministère républicain a affirmé l’intangibilité de ce déni de justice. Au Parlement, l’opposition soi-disant radicale a rivalisé de mauvaise foi, de platitude et de servilité, avec la majorité gouvernementale au profit d’un militarisme de sacristie. Le pays, consulté, a ratifié avec enthousiasme la résolution de ne pas faire justice, de mener jusqu’au bout le supplice d’un innocent et de garantir l’impunité du plus cynique des sans patrie.

Deux hommes se sont levés pour rompre cette consigne du mensonge. L’un, c’était un officier, a simplement, noblement sacrifié une position considérable, les légitimes ambitions d’une brillante carrière ; il a acheté sa liberté à un très haut prix ; il est digne de croire qu’il n’a pas fait un marché de dupe. C’est le colonel Picquart. L’autre, — c’est un homme de lettres, — a jeté au vent une éloquente protestation indignée. Il n’a pas mesuré ses paroles. Il s’est ri de ces prétendues convenances où s’emmaillotent doucettement toutes les lâchetés. Il sait ce qui l’attend. Toute grande cause humaine a besoin de son martyr et le Calas du XIXe siècle aura eu en M. Émile Zola un Voltaire qui n’aura pas reculé devant douze mois de prison.

C’est parce que je crois que la France sera perdue le jour où il n’y aura plus de solidarité indéfectible entre la cause de la justice et du droit et la science ; c’est parce que j’ai quelquefois pensé que le sémitisme des grands juifs et de l’oppresseur capital était l’un des maux les plus flagrants de notre société ; c’est parce que je crois que le christianisme se déshonorerait s’il cessait d’être l’universelle protestation de la conscience contre la force et de l’idéal contre le fait ; c’est parce que je