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Page:Livre d'hommage des lettres françaises à Émile Zola, 1898.djvu/84

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gagnent leur argent… C’est juste ! Je remarque d’ailleurs que, depuis ces événements, Zola est moins nerveux, moins fébrile que d’habitude, il se possède davantage — corps, cerveau et âme. On sent, non seulement que sa conscience ne lui reproche rien, mais que chaque jour, chaque heure, chaque minute apportent à sa conviction un renfort d’énergies nouvelles, et comme une plus inébranlable sécurité dans la justice de son acte. Devant l’Iniquité monstrueuse, il n’a pu faire autrement que ce qu’il a fait, son acte est tout simple. Il est à la fois impulsif et raisonné. C’est un cri de pitié et de vérité parti en même temps de son cœur et de son esprit. S’il ne l’avait pas poussé, ce cri, si, comme tant d’autres en qui étaient les mêmes certitudes, mais non la même passion et le même courage, s’il avait, en face du crime, gardé un criminel silence, sa vie eût été à jamais empoisonnée ; jamais plus il n’aurait dormi !… Arrive donc ce qui doit arriver ! Il est prêt à sacrifier sa liberté, à donner sa vie, pour le triomphe de sa cause, qui est celle de l’humanité.

À ses gestes calmes, à sa voix assurée, à son regard résolu, je vois, je comprends, j’entends tout cela. Et devant cet homme si simple et si fort qui, pendant ces heures tragiques, n’a pas connu la moindre défaillance, dont la grandeur d’âme a grandi avec les insultes, avec les menaces, une émotion immense m’emplit le cœur… Je sais maintenant ce que c’est qu’un héros…

Des cris de « À bas Zola ! » nous viennent de la rue, stupidement poussés par des gens qui passent. Zola n’entend même pas ces cris, ou il les dédaigne. Le voilà maintenant qui expédie quelques lettres, range quelques papiers, donne des ordres aux domestiques…