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Page:Locke - Du gouvernement civil, 1795.djvu/348

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Du Gouvernement Civil,

au plus grand nombre des membres de l’état ; le peuple, qui naturellement est plus disposé à souffrir qu’à résister, ne donnera pas avec facilité dans un soulèvement. Les injustices exercées, et l’oppression dont on use envers quelques particuliers, ne le touchent pas beaucoup. Mais s’il est généralement persuadé et convaincu, par des raisons évidentes, qu’il y a un dessein formé contre ses libertés, et que toutes les démarches, toutes les actions, tous les mouvemens de son Prince ou de son Magistrat, obligent de croire que tout tend à l’exécution d’un dessein si funeste, qui pourra blâmer ce peuple, d’être dans une telle croyance et dans une telle persuasion ? Pourquoi un Prince, ou un Magistrat donne-t-il lieu à des soupçons si bien fondés ; ou plutôt, pourquoi persuade-t-il, par toute sa conduite, des choses de cette nature ? Les peuples sont-ils à blâmer de ce qu’ils ont les sentimens de créatures raisonnables, de ce qu’ils font les réflexions que des créatures de cet ordre doivent faire, de ce qu’ils ne conçoivent pas les choses autrement qu’ils ne trouvent et ne sentent qu’elles sont ? Ceux-là ne méritent-ils pas plutôt d’être blâmés, qui font des choses qui donnent lieu