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XV
DU TRADUCTEUR.

pas en grand crédit dans le Monde. Quoi qu’il en ſoit, il me ſemble que le Traducteur & le Plenipotentiaire ne ſauroient bien profiter de tous leurs avantages, ſi leurs Pouvoirs ſont trop limitez. Je n’ai point à me plaindre de ce côté-là.

La ſeule liberté que je me ſuis donné ſans aucune reſerve, c’eſt de m’exprimer le plus nettement qu’il m’a été poſſible. J’ai mis tout en uſage pour cela. J’ai évité avec ſoin le ſtile figuré dès qu’il pouvoit jetter quelque confuſion dans l’Eſprit. Sans me mettre en peine de la meſure & de l’harmonie des Périodes, j’ai repeté le même mot toutes les fois que cette repetition pouvoit ſauver la moindre apparence d’équivoque ; je me ſuis ſervi, autant que j’ai pû m’en reſſouvenir, de tous les expédiens que nos Grammairiens ont inventé pour éviter les faux rapports. Toutes les fois que je n’ai pas bien compris une penſée en Anglois, parce qu’elle renfermoit quelque rapport douteux (car les Anglois ne ſont pas ſi scrupuleux que nous ſur cet article) j’ai tâché, après l’avoir compriſe, de l’exprimer ſi clairement en François, qu’on ne pût éviter de l’entendre. C’eſt principalement par la netteté que la Langue Françoiſe emporte le prix ſur toutes les autres Langues, ſans en excepter les Langues Savantes, autant que j’en puis juger. Et c’eſt pour cela, dit