Aller au contenu

Page:Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
429
De la Connoiſſance en général. Liv. IV.

par les mêmes, & ainſi être univerſellement & conſtamment niées l’une de l’autre, nous n’aurions abſolument point de moyen d’arriver à aucune connoiſſance poſitive, ſi nous ne pouvions appercevoir aucun rapport entre nos idées, ni découvrir la convenance ou la diſconvenance qu’elles ont l’une avec l’autre dans les différens moyens dont l’Eſprit ſe ſert pour les comparer enſemble.

§. 6.La troiſiéme eſt une convenance de coëxiſtence. La troiſiéme eſpèce de convenance ou de diſconvenance qu’on peut trouver dans nos Idées, & ſur laquelle s’exerce la Perception de l’Eſprit, c’eſt la coëxiſtence ou la non-coëxiſtence dans le même ſujet ; ce qui regarde particuliérement les Subſtances. Ainſi, quand nous affirmons touchant l’Or, qu’il eſt fixe, la connoiſſance que nous avons de cette vérité ſe réduit uniquement à ceci, que la fixité ou la puiſſance de demeurer dans le Feu ſans ſe conſumer, eſt une idée qui ſe trouve toûjours jointe avec cette eſpèce particuliére de jaune, de peſanteur, de fuſibilité, de malléabilité & de capacité d’être diſſous dans l’Eau Regale, qui compoſe notre idée complexe que nous déſignons par le mot Or.

§. 7.La quatriéme eſt celle d’une exiſtence réelle. La derniére & quatriéme eſpèce de convenance, c’eſt celle d’une exiſtence actuelle & réelle qui convient à quelque choſe dont nous avons l’idée dans l’Eſprit. Toute la connoiſſance que nous avons ou pouvons avoir, eſt renfermée, ſi je ne me trompe, dans ces quatre ſortes de convenance ou de diſconvenance. Car toutes les recherches que nous pouvons faire ſur nos Idées, tout ce que nous connoiſſons ou pouvons affirmer au ſujet d’aucune de ces idées, c’eſt qu’elle eſt ou n’eſt pas la même avec une autre ; qu’elle coëxiſte ou ne coëxiſte pas toûjours avec quelque autre idée dans le même ſujet ; qu’elle a tel ou tel rapport avec quelque autre idée ; ou qu’elle a une exiſtence réelle hors de l’Eſprit. Ainſi, cette Propoſition le Bleu n’eſt pas le Jaune, marque une diſconvenance d’Identité : Celle-ci, Deux triangles dont la baſe eſt égale & qui ſont entre deux lignes paralleles, ſont égaux, ſignifie une convenance de rapport : Cette autre, le Fer eſt ſuſceptible des impreſſions de l’Aimant, emporte une convenance de coëxiſtence : Et ces mots, Dieu exiſte, renferment une convenance d’exiſtence réelle. Quoi que l’Identité & la Coëxiſtence ne ſoient effectivement que de ſimples relations, elles fourniſſent pourtant à l’Eſprit des moyens ſi particuliers de conſiderer la convenance, ou la diſconvenance de nos Idées, qu’elles méritent bien d’être conſiderées comme des chefs diſtincts, & non ſimplement ſous le titre de Relation en général, puiſque ce ſont des fondemens d’affirmation & de negation fort différens, comme il paroîtra aiſément à quiconque prendra ſeulement la peine de reflêchir ſur ce qui eſt dit en pluſieurs endroits de cet Ouvrage. Je devrois examiner préſentement les différens dégrez de notre Connoiſſance : mais il faut conſiderer auparavant les divers ſens du mot de Connoiſſance.

§. 8.Il y a une connoiſſance actuelle & habituelle. Il y a différens états dans leſquels l’Eſprit ſe trouve imbu de la Vérité, & auxquels on donne le nom de Connoiſſance.

I. Il y a une connoiſſance actuelle qui eſt la perception préſente que l’Eſprit de la convenance ou de la diſconvenance de quelqu’une de ſes Idées, ou du rapport qu’elles ont l’une de l’autre.