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Page:Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/515

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De la Réalité de notre Connoiſſance. Liv. IV.

ſaurions prendre trop de ſoin pour éviter que les Mots, & les Eſpèces, à en juger par les notions vulgaires ſelon leſquelles nous avons accoûtumé de les employer, ne nous impoſent ; car je ſuis porté à croire que c’eſt là ce qui nous empêche le plus d’avoir des connoiſſances claires & diſtinctes, particuliérement à l’égard des Subſtances ; & que c’eſt de là qu’eſt venuë une grande partie des difficultez ſur la Vérité, & ſur la Certitude. Si nous nous accoûtumions ſeulement à ſéparer nos Reflexions & nos Raiſonnemens d’avec les Mots, nous pourrions remedier en grand’partie à cet inconvénient par rapport à nos propres penſées que nous conſidererions en nous-mêmes ; ce qui n’empêcheroit pourtant pas que nous ne fuſſions toûjours embrouillez dans nos Diſcours avec les autres hommes, pendant que nous perſiſterons à croire que les Eſpèces & leurs Eſſences ſont autre choſe que nos Idées abſtraites telles qu’elles ſont, auxquelles nous attachons certains noms pour en être les ſignes.

§. 18. Recapitulation. Enfin, pour reprendre en peu de mots ce que nous venons de dire ſur la certitude & la réalité de nos Connoiſſances ; par-tout où nous appercevons la convenance ou la diſconvenance de quelqu’une de nos Idées, il y a là une Connoiſſance certaine, & par-tout où nous ſommes aſſûrez que ces Idées conviennent avec la réalité des Choſes, il y a une Connoiſſance certaine & réelle. Et ayant donné ici les marques de cette convenance de nos Idées avec la réalité des choſes, je croi avoir montré en quoi conſiſte la vraye Certitude, la Certitude réelle ; ce qui de quelque maniére qu’il eût paru à d’autres, avoit été juſqu’ici, à mon égard, un de ces Deſiderata, ſur quoi, à parler franchement, j’avois grand beſoin d’être éclairci.



CHAPITRE V.

De la Vérité en général.


§. 1.Ce que c’eſt que la Vérité.
IL y a pluſieurs ſiécles qu’on a demandé ce que c’eſt que la Vérité ; & comme c’eſt là ce que tout le Genre Humain cherche ou prétend chercher, il ne peut qu’être digne de nos ſoins d’examiner avec toute l’exactitude dont nous ſommes capables, en quoi elle conſiſte, & par-là de nous inſtruire nous-mêmes de ſa Nature, & d’obſerver comment l’Eſprit la diſtingue de la Fauſſeté.

§. 2.Une juſte conjonction ou ſeparation des ſignes, c’eſt-à-dire des idées ou des Mots. Il me ſemble donc que la Vérité n’emporte autre choſe, ſelon la ſignification propre du mot, que la conjonction ou de la ſéparation des ſignes ſuivant que les Choſes mêmes conviennent ou diſconviennent entr’elles. Il faut entendre ici par la conjonction ou la ſeparation des ſignes ce que nous appelons autrement Propoſition. De ſorte que la Vérité n’appartient proprement qu’aux Propoſitions ; dont il y en a deux ſortes, l’une Mentale, & l’autre Verbale, ainſi que les ſignes dont on ſe ſert communément ſont de deux ſortes, ſavoir les Idées & les Mots.

§. 3.Ce qui fait les Propoſitions Mentales & Verbales. Pour avoir une notion claire de la Vérité, il eſt fort néceſſaire de