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Page:Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/603

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De la Raiſon. Liv. IV.

çu la connexion de chacune d’elles avant qu’il puiſſe s’en ſervir raiſonnablement à former des Syllogiſmes ; à moins qu’on ne diſe, que toute Idée qui ſe préſente à l’Eſprit, peut aſſez bien entrer dans un Syllogiſme ſans qu’il ſoit néceſſaire de conſidérer quelle liaiſon elle a avec les deux autres ; & qu’elle peut ſervir à tout hazard de terme moyen pour prouver quelque concluſion que ce ſoit. C’eſt ce que perſonne ne dira jamais, parce que c’eſt en vertu de la convenance qu’on apperçoit entre une idée moyenne & les deux extrêmes, qu’on conclut que les extrêmes conviennent entr’eux ; d’où il s’enſuit que chaque idée moyenne doit être telle que dans toute la chaine elle ait une connexion viſible avec les deux Idées entre leſquelles elle eſt placée, ſans quoi la concluſion ne peut être déduite par ſon entremiſe. Car par-tout où un anneau de cette chaine vient à ſe détacher & à n’avoir aucune liaiſon avec le reſte, dès-là il perd toute ſa force, & ne peut plus contribuer à attirer, ou inſerer quoi que ce ſoit. Ainſi, dans l’exemple que je viens de propoſer, quelle autre choſe montre la force, & par conſéquent la juſteſſe de la conſéquence, que la vûë de la connexion de toutes les idées moyennes qui attirent la concluſion ou la propoſition inſerée ; comme, Les hommes ſeront punis ________ Dieu celui qui punit ________ la punition juſte ________ Le puni coupable ________ Il auroit pû faire autrement ________ Liberté ________ Puiſſance de ſe déterminer ſoi-même ? Par cette viſible enchainure d’idées, ainſi jointes enſemble tout de ſuite, en ſorte que chaque idée moyenne s’accorde de chaque côté, avec les deux idées entre leſquelles elle eſt immédiatement placée, les idées d’hommes, & de puiſſance de ſe déterminer ſoi-même, paroiſſent jointes enſemble, c’eſt-à-dire, que cette Propoſition, Les hommes peuvent ſe déterminer eux-mêmes, eſt attirée ou inferée par celle-ci Qu’ils ſeront punis dans l’autre Monde. Car par-là l’Eſprit voyant la connexion qu’il y a entre l’idée de la punition des hommes dans l’autre Monde, & l’idée de Dieu qui punit ; entre Dieu qui punit & la juſtice de la punition ; entre la juſtice de la punition & la coulpe ; entre la coulpe & la puiſſance de faire autrement ; entre la puiſſance de faire autrement & la liberté ; entre la liberté & la puiſſance de faire autrement ; entre la puiſſance de faire autrement & la liberté ; entre la liberté & la puiſſance de ſe déterminer ſoi-même ; l’Eſprit, dis-je, appercevant la liaiſon que toutes ces idées ont l’une avec l’autre, voit par même moyen la connexion qu’il y a entre les hommes & la puiſſance de ſe déterminer ſoi-même.

Je demande préſentement ſi la connexion des Extrêmes ne ſe voit pas plus clairement dans cette diſpoſition ſimple & naturelle, que dans des repetitions perplexes & embrouillées de cinq ou ſix Syllogiſmes. On doit me pardonner le terme d’embrouillé, juſqu’à ce que quelqu’un ayant réduit ces idées en autant de Syllogiſmes, oſe aſſûrer que ces Idées ſont moins embrouillées, & que leur connexion eſt plus viſible lorſqu’elles ſont ainſi tranſpoſées, repetées, & enchaſſées dans ces formes artificielles, que lorſqu’elles ſont préſentes à l’Eſprit dans cet ordre court, ſimple, & naturel, dans lequel on vient de les propoſer, où chacun peut les voir, & ſelon lequel elles doivent être vûës avant qu’elles puiſſent former une chaîne de Syllogiſmes. Car l’ordre naturel des Idées qui ſervent à lier d’autres Idées, doit régler l’ordre des Syllogiſmes, de ſorte qu’un homme doit voir la con-