Page:Loisy - L'évangile et l'église, 1904.djvu/222

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trois œuvres à trois personnes inégales. Ainsi fit-elle pour l’Incarnation, quand la dualité des natures fut décidément affirmée dans l’unité de la personne, et que l’on dut prendre parti à la fois contre le nestorianisme et contre le monophysisme. Plus ou moins consciemment, la tradition chrétienne s’est refusée à enfermer l’ordre réel des choses religieuses dans l’ordre rationnel de nos conceptions ; elle a pensé rendre à la vérité éternelle le seul hommage qui lui convienne, en la supposant toujours plus haute que notre intelligence, comme si des affirmations qui semblent contradictoires devaient être tenues pour compatibles à la limite de l’infini. Il n’y a qu un Dieu éternel, et Jésus est Dieu : voilà le dogme théologique. Le salut de l’homme est tout entier dans la main de Dieu, et l’homme est libre de se sauver ou non : voilà le dogme de la grâce. L’Eglise a autorité sur les hommes, et le chrétien ne relève que de Dieu : voilà le dogme ecclésiastique. Une logique abstraite demanderait que l’on supprimât partout l’une ou l’autre des propositions si étrangement accouplées. Mais une observation attentive démontre qu’on ne pourrait le faire sans compromettre l’équilibre vivant de la religion.