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L’AGONIE

dont les yeux dignes s’arrêtaient un instant sur l’élève, et lui jetait quelques quinqunx qu’il glissait rapidement dans la ceinture de sa tunique, qui faisait à cet endroit un boursouflement, par-dessus la maigreur de son ventre qu’on sentait devoir être sec.


II


Un notable citoyen de Brundusium attendait Madeh et Atillius dans sa maison, grande construction de style grec, près des murailles et légèrement élevée au-dessus de la ville, à laquelle ils accédèrent par quelques marches que gardaient deux informes lions de pierre, à la crinière frisée comme des lions babylonniens. Traînant la chaîne qui le retenait à sa loge, ouverte sur le vestibule, le portier appela un nomenclateur, et celui-ci prévint Tubero. Le notable embrassa fortement Atillius aux lèvres et aux mains et s’excusa de le recevoir en négligé de sieste, avec sa robe lâche, ses sandales plates, son chef chauve odorant mal. Il était plus de la moitié du jour et une chaleur de plomb régnait, comme ensevelissant la maison dans un torpide engourdissement.

— Tu ne partiras que demain pour Rome, fit Tubero, qui, à travers les pièces muettes de la maison, conduisit Atillius et Madeh aux bains situés au fond de son jardin, un éploiement vert et roux de végétations, d’arborescences et de massifs coupés de sentiers soleilleux, d’où un cri s’éleva. Suspendu à la branche d’un arbre, les pied surchargés de poids de fer, un esclave était flagellé avec des cordes à nœuds armés de crochets. Le dos marbré, les cuisses rouges de sang qui rigolait sur le sol, il fermait les yeux, il ne criait plus, car le premier cri lui avait valu trop de coups ; se mordant la lèvre inférieure, horrible, il bavait, pendant que des esclaves riaient, bestialement accroupis autour.

Mais Tubero les entraînait plus loin, leur montrant tout