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L’AGONIE

Tubero attendait un cisium, voiture à deux roues et à deux places, dont les deux mules galopantes emportèrent Atillius et Madeh, à l’extrémité de la ville, puis sur la Voie Appia, qui, de Rome, aboutissait là. Vaporante, la campagne bruyait de bœufs, attelés à d’informes charrues, et de cris d’esclaves qui se dressaient par derrière des taillis pour les voir passer. Quelquefois le conducteur, un Apulien, sautait d’une mule et courait à côté, dans le tourbillonnement des roues, en harcelant ses bêtes de coups de fouet et en mêlant à la couleur de leur robe bise le ton érubescent de sa casaque, d’un rouge vigoureux.

En une auberge, au bord de la Voie où ils s’arrêtèrent, car on était au milieu du jour, des gens mangeaient, assis sur des escabeaux, pendant qu’un soldat se casquait et qu’en un coin, un barbier ambulant rasait, une face de voyageur qui portait vivement la main à son menton, sans doute effleuré par le rasoir. Tous se retournèrent pour mieux dévisager Atillius et surtout Madeh dont la mitra, la robe flottante à manches amples et à raies de couleur, et l’amulette en cône firent chuchoter plusieurs, en rapides mouvements de lèvres découvrant des dents gâtées.

Les deux Grecs et l’Alexandrin, qu’ils avaient quittés la veille mangeaient ensemble, devant une table basse, les deux barbes noires des premiers faisant face à la figure ronde du second qui s’émerveillait à les écouter. Car Amon, ayant été deviné naïf et simple, — quoique prudent, — les Grecs le bernaient d’histoires imaginées au hasard de l’improvisation, avec la facon de leur nation. Et leur belle barbe s’étalait avec satisfaction à leur bas de face, quand ils lui affirmaient :

— À Rome, certaines femmes ont des cheveux tout de soie et d’or qui poussent naturellement, grâce à une pierre divine qu’elles avalent au temps de leur crise. On les coupe : ils repoussent plus fort. Les cheveux coupés sont plantés dans de la poudre d’or et d’onyx. Il en naît alors une fleur qui est la pierre divine. Ainsi tout se lie. Le grand Zeus l’a voulu !

Aristès avait clin d’un œil malicieux à Nicodœmès, qui renchérissait :