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Page:London - Belliou la fumée, trad. Postif, 1941.djvu/192

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BELLIOU-LA-FUMÉE

dit, et à peine avait-il touché l’autre traîneau qu’il était à genoux, pressant la nouvelle escouade de la voix et du fouet. Comme le terrain uni se rétrécissait en une piste étranglée, il y lança ses chiens avec une avance d’un mètre à peine.

Un homme ne doit pas désespérer tant qu’il n’est pas battu, se dit la Fumée, et le gros Olaf eut beau presser, il ne réussit pas à se débarrasser de lui. Aucun des attelages que la Fumée avait conduits cette nuit-là n’aurait pu, après un train si vertigineux, se maintenir de front avec une équipe fraîche. Néanmoins cette allure l’exténuait, et quand ils commencèrent à contourner la hauteur de Klondike-City, la Fumée sentit faiblir l’énergie de ses animaux. Ils retardaient d’une façon presque imperceptible, mais, pied à pied, l’avance de l’autre s’éleva à une vingtaine de mètres.

Un hurrah prolongé fut poussé par la population de Klondike-City assemblée sur la glace, au confluent du Klondike et du Yukon. À huit cents mètres de distance, sur la rive Nord du Klondike, se dresse Dawson. Une volée d’exclamations plus nourries s’éleva d’un certain point, et la Fumée aperçut un traîneau qui s’élançait vers lui. Il reconnut les superbes animaux qui le tiraient : c’étaient ceux de Joy Gastell ; et elle les conduisait en personne. Le capuchon de sa parka en peaux d’écureuils, rejeté en arrière, révélait l’ovale de son visage en relief comme un camée sur la lourde masse de ses cheveux. Elle s’était dégantée, et de ses mains nues elle manœuvrait le fouet et s’accrochait au traîneau.

« Sautez ! » cria-t-elle, au moment où son chien de tête grognait à l’adresse de la Fumée.