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BELLIOU-LA-FUMÉE

VII

Le dernier portage, du lac Long au lac Linderman, était de cinq kilomètres ; la piste, si l’on pouvait l’appeler de ce nom, franchissait un dos d’âne de trois cent cinquante mètres, plongeait dans un dédale de rochers glissants, puis traversait une vaste étendue marécageuse. Jean Belliou se récria quand il vit Kit, déjà chargé d’un ballot de cent livres, ramasser un sac de farine de cinquante livres et le poser par-dessus l’autre contre sa nuque.

« Allons, dur à cuire ! riposta Kit ; piaffez un peu sur votre régime de viande d’ours et votre unique chemise ! »

Mais Jean Belliou hocha la tête.

« Je crois que je vieillis, Christophe.

— Vous n’avez que quarante-huit ans. Comprenez-vous bien que mon grand-père, votre père, monsieur, le vieil Isaac Belliou, a tué un homme d’un coup de poing à l’âge de soixante-neuf ans ? »

Jean Belliou fit une grimace et avala sa médecine.

« Avunculaire, je tiens à vous confier un secret important. J’ai été élevé comme un petit lord Fauntleroy, mais je peux porter plus que vous, marcher mieux que vous, vous faire toucher des deux épaules ou vous rosser à coups de poing à l’instant même. »

Jean Belliou lui tendit la main et déclara d’un ton solennel :

« Chris, mon petit, en vérité je t’en crois capable. Je crois même que tu pourrais le faire avec ce paquet