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BELLIOU-LA-FUMÉE

Les deux hommes se dévisagèrent tout confus, sans dire un mot. Obéissant à une impulsion commune, ils échangèrent un signe de tête et prirent la direction du sentier qui montait à la tête des rapides. Ils n’avaient pas fait cent pas qu’ils rencontrèrent Stine et Sprague.

« Où allez-vous ? demanda ce dernier.

— Chercher cet autre bateau pour le faire passer, répondit le Courtaud.

— Non pas. La nuit tombe. Vous allez dresser le campement tous les deux. »

Kit éprouvait un tel dégoût qu’il s’abstint de dire un mot.

« L’homme a sa femme avec lui, dit le Courtaud.

— C’est son affaire, prononça l’autre.

— C’est aussi celle de la Fumée et la mienne, riposta le Courtaud.

— Je vous le défends, dit rudement Sprague. La Fumée, si vous faites un pas de plus, je vous chasse.

— Et vous de même, le Courtaud, ajouta Stine.

— Et vous serez dans un beau pétrin après nous avoir réglé notre compte. Comment amènerez-vous votre fichu baquet à Dawson ? Qui vous servira le café dans vos couvertures ? Allons-y, la Fumée, ils n’oseront pas nous renvoyer. Et puis, nous avons des contrats. S’ils nous donnent notre sac, il faudra qu’ils y mettent assez de victuailles pour nous permettre de passer tout l’hiver. »

À peine avaient-ils poussé le bateau de Breck jusque dans les premières eaux agitées, que les vagues commencèrent à embarquer : elles n’étaient pas grosses, mais c’était un sérieux avertissement. Le Courtaud jeta derrière lui un coup d’œil railleur en mâchant son éternelle chique, et Kit se sentit au cœur un