Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/12

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serait plus rapide que l’autre. Mais les liens étaient plus forts que lui et les lanières de peau de caribou[1] ne céderaient pas.

Puis, à force de se retourner le cerveau, une autre idée lui vint. Il cria à Makamuk de venir près de lui et demanda qu’un Indien, capable de traduire ses paroles, servît entre eux d’interprète. Et il parla ainsi.

— Oh ! Makamuk, je désire ne point mourir. Sache que je suis un homme bien trop supérieur pour cela et, je te le dis en vérité, je ne mourrai point. Non, je ne suis point pareil à toutes ces autres charognes qui gisent là.

Il porta ses yeux méprisants vers cet objet gémissant qui avait été autrefois le gros Ivan et, du bout du pied, le remua avec dédain.

— Oui, Makamuk, continua-t-il, je suis beaucoup trop savant, en toutes choses, pour me laisser mourir. Contre la mort je possède un remède surnaturel, que je suis seul à connaître. Et je vais, si tu consens à m’écouter, te le faire connaître tout à l’heure.

— Quel est ce remède ? interrogea Makamuk.

— Un remède étrange et merveilleux…

Subienkow parut, un instant, lutter intérieurement avec lui-même, comme s’il hésitait à livrer son secret. Puis il reprit :

— Je suis décidé à te le dévoiler. Mais sache d’abord qu’il suffit d’un peu ce remède, frotté sur la peau, pour rendre celle-ci aussi dure qu’un rocher. Oui, aussi dure que le fer, si bien qu’il devient impossible, à aucune arme tranchante, de l’entamer. Le coup le plus violent demeure sans effet, Un couteau d’os est aussi impuissant que s’il avait été pétri avec de la boue. Même les couteaux d’acier que nous avons apportés parmi vous émousseraient leur fil. Si je te confie mon secret, que me donneras-tu ?

— Je te donnerai la vie, répondit Makamuk par le truchement de l’interprète.

  1. Le caribou est une sorte de cerf de l’Amérique du Nord.