Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/144

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Porportuk quelques instants. Puis saisissant son verre, qu’on venait de remplir, il le lui lança en pleine figure.

— Qu’on le jette dehors ! cria-t-il à ses convives, qui, alertés comme une meute de chiens sur un gibier, n’attendaient qu’un mot de lui pour obéir à ses ordres. Qu’on le sorte ! Et qu’on le roule dans la neige !

La bande forcenée ne se le fit pas répéter. Et, quand elle revint, elle fut reçue avec éloges par Klakee-Nah, qui porta un toast à la brièveté de la vie humaine.

*

La succession du vieux chef ne fut pas longue à liquider. El-Sou pria Tommy, un petit employé du Poste, de venir l’aider un peu dans cette opération.

Klakee-Nah ne laissait derrière lui que des dettes, des billets à ordre impayés, des biens hypothéqués dont les garanties étaient sans valeur. Tout ce passif était entre les mains de Porportuk que l’honnête Tommy, en faisant le calcul de tous les intérêts accumulés, traita mille fois de fieffé voleur.

— C’est du banditisme pur et simple ! prononça-t-il. On ne peut appeler cela une dette.

Songeuse, El-Sou répondit :

— C’en est une cependant…

L’hiver s’écoula et le printemps revint sans que Porportuk eût été payé. Il eut, avec El-Sou, plusieurs entretiens, au cours desquels il lui expliqua, comme il l’avait fait à son père, comment elle pouvait s’acquitter. À diverses reprises, il se fit accompagner par des sorciers, qui affirmèrent à la jeune fille qu’en ne soldant pas cette dette, elle exposait le défunt à une damnation éternelle.