Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/155

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rangea soigneusement dans sa poche. Puis, comme pris d’une idée subite, il se frappa le front et s’écria :

— Nous nous sommes trompés dans nos comptes ! L’affaire que nous avons traitée est une affaire présente, et non une affaire passée. L’once d’or aurait valu actuellement, au Poste, dix-sept dollars de farine et non seize. À quoi ai-je l’esprit ? C’est un dollar que je perds à chaque once. Soit, au total, six cent vingt-cinq dollars !

El-Sou eut un sourire railleur devant la mine penaude de Porportuk.

— Évidemment, dit-elle. Mais qu’y faire maintenant ? Le reliquat de ton or s’est envolé. Tes réflexions sont un peu tardives… Tu te fais vieux, Porportuk !

Porportuk se mordit les lèvres, puis redevint rapidement maître de lui. Une expression cruelle se peignit sur son visage.

— C’est bon, c’est bon… dit-il. Laissons cela. Et maintenant, viens-t’en chez moi !

El-Sou ne bougea pas.

— Te souviens-tu, Porportuk, de deux choses que je t’ai dites, au printemps dernier ?

— Quelles choses ? S’il fallait que je prête attention à toutes les paroles d’une femme, j’aurais bientôt la tête farcie.

— Je t’ai dit, tout d’abord, que tu serais payé, reprit El-Sou très posément. C’est fait. Je t’ai dit ensuite, et je l’ai répété tout à l’heure, que je ne serais jamais ta femme.

— N’empêche que l’achat que j’ai fait de toi est régulier. Le papier est là, dans ma poche. Tu m’appartiens désormais. Tu ne vas pas le nier, j’imagine ?

— Je t’appartiens en effet.

— Et tu es mon bien propre…

— Ton bien propre, comme tu dis.

— Et tu le reconnais ! prononça Porportuk triom-