Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/21

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l’amène jusqu’au traîneaux, avant que commence l’épreuve !

Ainsi fut fait.

Alors le Polonais, se couchant sur le sol, posa sa tête sur la bûche, avec l’abandon d’un enfant las, qui va s’endormir. Et las, il l’était vraiment, après tant de sombres années qu’il avait vécues.

— Allons-y ! dit-il à Makamuk. Je me ris de toi et de ton arme. Frappe un coup vigoureux !

Il leva la main.

Makamuk, au signal convenu, brandit sa hache, une large hache qui lui servait à équarrir les troncs d’arbres. La lueur de l’acier étincela dans Ia pureté du ciel glacé et on la vit se balancer, le temps d’un éclair, au-dessus de la tête de l’Indien, pour descendre sur le cou nu de Subienkow.

À travers la chair et les os, l’acier se tailla nettement sa route et mordit au-delà, profondément dans la bûche. Stupéfaits, les Indiens virent bondir la tête à un mètre de distance du corps, d’où fusait un jet de sang.

Il y eut tout d’abord, parmi eux, une stupeur silencieuse, tandis que dans ces cerveaux obtus germait l’idée que le fameux remède n’existait pas. Et quand ils se furent clairement rendus compte que le voleur de fourrures les avait passés en astuce, que seul de tous leurs prisonniers Subienkow avait su échapper à la torture, gagnant l’enjeu redoutable qu’il avait joué, alors ils furent pris d’un rire qui éclata dans l’air.

Makamuk, honteux, baissait la tête. Le voleur de fourrures l’avait dupé. Devant tous ses hommes, qui continuaient sans trêve leur rire tumultueux, le chef qu’il était avait perdu la face. Il tourna le dos et s’en alla, le front courbé, tout en affectant une majestueuse dignité.

Il n’ignorait pas que, désormais, il ne serait plus connu, nulle part, sous le nom de Makamuk. Il ne