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souci de la nourriture, et celui même du fameux traîneau qui devait lui apporter le salut et la vie. Finalement, n’y pouvant plus tenir, il décida de se rendre à Minto, afin d’y quérir le renseignement désiré.

Les jours étaient devenus de plus en plus courts, et la nuit était déjà tombée, lorsqu’il fit son entrée dans l’embryon de ville qu’était Minto. Toutes les cabanes y étaient closes. Il gravit la berge du fleuve, sans être vu de personne, et se dirigea vers le cabaret hospitalier.

Quand il en ouvrit la porte, il recula, tout ébloui. Cette grande clarté, qui l’offusquait, ne provenait que de quelques chandelles. Mais il avait depuis si longtemps passé ses soirs et ses nuits sous sa tente, sans le moindre luminaire, qu’elle suffisait à lui brûler les prunelles.

Lorsque ses yeux se furent ajustés, il discerna trois hommes qui étaient assis autour du poêle. Il reconnut immédiatement, à leur accoutrement, que c’étaient des voyageurs, en cours de route sur le Yukon.

Puisqu’il ne les avait pas vus passer pendant la journée, c’est qu’ils remontaient le fleuve, dans la direction de son embuscade. Après avoir, ici, dormi la nuit, ils reprendraient la piste le lendemain matin, sans aucun doute.

« Bon cela ! » pensa, à part lui, Morganson.

À son aspect, le cabaretier, qui l’avait aussitôt reconnu, émit un long sifflement, qui témoignait de son émerveillement de le revoir vivant.

— Bonjour, vieux ! dit-il. Je te croyais mort.

— Ah ! Pourquoi ? demanda Morganson, d’une voix hésitante.

Il avait perdu l’habitude de soutenir une conversation. Sa voix était rauque et bizarre.

— Voici plus de deux mois que tu es passé ici, reprit le cabaretier. Tu allais à Selkirk, disais-tu ? Je

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