Aller au contenu

Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

soixante pieds, n’était rien pour ce vieillard, comparé à la valeur d’une ligne et d’un hameçon.

Au bout d’une minute, pas plus certainement, qui, dans mon émotion, me parut compter pour cinq, je vis remonter les flammes phosphorescentes.

Finalement, la tête du noir perça la surface liquide et, quand il eut complètement émergé, il laissa tomber dans la pirogue une morue de roche, qui pouvait bien peser dans les six livres.

Intact comme la ligne elle-même, l’hameçon était encore planté dans la bouche du poisson.

Comme si rien ne s’était passé, je repris aussitôt la conversation :

« Tu n’avais pas peur, m’as-tu dit. Personne, parmi vous, n’avait peur. Très bien. Mais, maintenant, il n’en est plus de même et tous, tant que vous êtes, vous avez une frousse bleue de Mac Allister.

— Oui, beaucoup frousse… », avoua le noir, qui demeura ensuite la bouche close, bien décidé, semblait-il, à ne rien dire de plus sur ce chapitre.

Une demi-heure durant, nous lançâmes et tirâmes nos lignes en silence.

La pêche était satisfaisante, quand de tout petits

requins firent leur apparition. Ils mordaient à l’appât et, sans vergogne, coupaient la ligne.

Oti et moi, nous perdîmes ainsi un hameçon, chacun. En sorte que nous cessâmes de pêcher, en attendant le départ des petits bandits.

Nous étions assis immobiles, en face l’un de l’autre, dans la pirogue, quand tout à coup Oti me déclara :

« Je vais vous parler franc. Et vous compren-