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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/235

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Tandis que Naouri pagayait vers le sud, un fort courant l’avait déviée vers l’ouest.

Tout en rectifiant sa direction, elle continua son âpre besogne et, au cours de l’après-midi, elle aperçut, à trois milles environ devant elle, Hikouérou découronnée de la riche parure de ses cocotiers.

Cette vue la réconforta. Mais le courant devenait plus violent et la pagaie de fortune dont se servait la vieille femme était impuissante à fournir l’effort nécessaire.

Au coucher du soleil, un mille seulement avait été gagné.

Naouri comprit que poursuivre la lutte dans ces conditions était vain. Car elle s’affaiblissait de plus en plus. Ce qui la tuait surtout, c’était l’écopage.

Elle retira ce qu’elle put de sa dernière boîte de saumon, l’absorba, murmura une prière ardente à l’adresse de son dieu Requin et, se laissant glisser par-dessus bord, se mit à nager.

Sous la pleine lune, elle put constater avec satisfaction qu’elle se rapprochait sensiblement de la terre. Mais alors advint ce qu’elle redoutait. À moins de six mètres, une forte nageoire coupa l’eau.

Elle n’en continua pas moins à nager. Au bout de quelques minutes, l’aileron glissa tout contre elle, puis s’éloigna.

Le monstre, qui s’était amplement repu les jours précédents, ne paraissait point d’une gourmandise excessive.

Néanmoins, il pouvait aussi, si l’envie lui en pre-