Aller au contenu

Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Durant la période de sa vie qui suivit, il aurait pu, grâce à la liberté dont il jouissait encore, céder au souvenir de la caverne et du torrent, et s’en retourner dans le Wild. Mais la mémoire de sa mère était la plus forte. Comme les chasses des animaux-hommes les entraînaient loin du camp et les y ramenaient ensuite, peut-être aussi reviendrait-elle un jour. Et il demeurait en esclavage, en soupirant après elle.

Esclavage qui n’était pas entièrement malheureux. Car le louveteau continuait à s’intéresser à beaucoup de choses. Quelque événement imprévu surgissait toujours et les actions étranges auxquelles se livrent les animaux-hommes n’ont pas de fin. Il apprenait, simultanément, comment il convenait de se conduire avec Castor-Gris. Obéissance absolue et soumission en tout lui étaient demandées. En retour, il échappait aux coups et sa vie était tolérable.

De plus, Castor-Gris, parfois, lui donnait lui-même un morceau de viande et, tandis qu’il le mangeait, le défendait contre les autres chiens. Ce morceau de viande prenait, pour Croc-Blanc, une valeur beaucoup plus considérable qu’une douzaine d’autres reçus de la main des femmes. C’était bizarre. Mais cela était.

Jamais Castor-Gris ne caressait. Et cependant (était-ce l’effet du poids de sa main et celui de son pouvoir surnaturel, ou d’autres causes intervenaient-elles, que le louveteau ne réussissait pas à se formuler ?) il était indéniable qu’un certain lien d’attachement se formait entre Croc-Blanc et son rude seigneur.