Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/174

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la fureur d’un juste courroux. Mais connaissant son impuissance, il se contenta de se hérisser fièrement et de regarder le louveteau, par-dessus l’os avec mépris. Croc-Blanc, de son côté, ressentait encore quelque chose de l’ancienne terreur. Il se tassa sur lui-même et se fit petit, tout en cherchant en son esprit le moyen d’opérer une retraite qui ne fût pas trop ignominieuse.

Mais Baseek jugea mal de la situation. Il lui parut suffisant d’avoir intimidé le louveteau de son regard méprisant. Croc-Blanc allait fuir et lui laisser la viande. Baseek n’eut pas la patience d’attendre. Considérant sa victoire comme un fait acquis, il s’avança vers la viande. Comme il courbait la tête, sans autre précaution, pour la flairer, le louveteau se hérissa légèrement. Même alors, rien n’était perdu pour le vieux chien. S’il était resté résolument en place, en relevant la tête et en faisant luire la menace de ses yeux, Croc-Blanc se serait piteusement retiré. Mais l’odeur de la chair fraîche montait à ses narines, avec un tel attrait, qu’il ne put résister au désir d’y goûter sans tarder.

C’en était trop pour Croc-Blanc. Il venait, pendant trop longtemps, d’être le maître incontesté de ses compagnons de route pour se résoudre à demeurer insensible tandis qu’un autre chien dévorait la viande qui lui appartenait. Il frappa, selon sa coutume, sans avertir. Dès le premier coup de dent, Baseek avait l’oreille mise en rubans, et il n’était pas encore revenu de sa stupeur que d’autres calamités fondaient sur lui. Il était renversé, les pattes en l’air, avait la gorge entamée et, tan-