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XV

L’ENNEMI DE SA RACE


S’il y avait eu dans la nature de Croc-Blanc quelque aptitude, fût-elle le dernier fruit d’un atavisme très ancien, de fraterniser avec les représentants de sa race, plus rien de cette aptitude n’aurait pu subsister du jour où il fut choisi pour être à son tour le chef de file de l’attelage du traîneau. Car, dès lors, les autres chiens l’avaient haï. Ils l’avaient haï pour le supplément de viande que lui donnait Mit-Sah ; haï pour toutes les faveurs, imaginaires ou réelles, qu’il recevait de l’Indien ; haï parce qu’il courait toujours en avant d’eux, balançant devant leurs yeux le panache de sa queue, faisant fuir éternellement hors de leur portée son train de derrière, en une vision constante, qui les rendait fous.

Par un contre-coup fatal, Croc-Blanc avait rendu haine pour haine. Le rôle qui lui avait été dévolu n’était rien moins qu’agréable. Être contraint de courir avec, à ses trousses, la troupe hurlante, dont chaque chien avait été, depuis trois ans, étrillé et asservi par lui, était quelque chose dont tout son être se révoltait. Il le fallait, pourtant,