Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/187

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exister entre eux et lui. Cette seule cause aurait suffi à la faire naître. Comme lui sans doute, ils étaient des loups domestiqués. Mais, domestiqués depuis des générations, ils avaient perdu l’accoutumance du Wild, dont ils n’avaient conservé qu’une notion, celle de son Inconnu, de son Inconnu terrible et toujours menaçant. C’était le Wild, dont il était demeuré plus proche, qu’ils haïssaient dans leur compagnon. Celui-ci le personnifiait pour eux ; il en était le symbole. Et, quand ils découvraient leurs dents en face de lui, ils se défendaient, en leur pensée, contre les obscures puissances de destruction qui les environnaient, dans l’ombre de la forêt, qui les épiaient sournoisement, au delà de la limite des feux du campement.

La seule leçon que les chiens tirèrent de ces combats fut que le jeune loup était trop redoutable pour être affronté seul à seul. Ils ne l’attaquaient que formés en masse, sans quoi il les eût tous tués l’un après l’autre, en une seule nuit. Grâce à cette tactique, ils lui échappèrent. Il pouvait bien culbuter un chien, les pattes en l’air, mais la troupe entière était aussitôt sur lui, avant qu’il n’ait eu le temps de donner à la gorge le coup mortel. Au premier signe du conflit, les chiens, même occupés à se quereller entre eux, formaient bloc et lui faisaient face.

Pas davantage ils ne pouvaient, malgré leurs efforts, réussir à occire Croc-Blanc. Il était, à la fois, trop vif pour eux, trop formidable et trop prudent. Il évitait les endroits resserrés et prenait le large, dès qu’ils essayaient de l’encercler. Quant à le culbuter, pas un chien n’était capable de