Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/73

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tait doucement du feu, dans l’air tranquille. Mais les mille relents d’un camp d’Indiens venaient maintenant aux narines des deux bêtes. Et ces relents contaient des tas de choses, que le vieux loup ne pouvait pas comprendre, mais qui de la louve étaient beaucoup moins inconnues.

Elle était étrangement agitée, et reniflait, reniflait, avec un délice croissant. Un-Œil, au contraire, demeurait soupçonneux et ne cachait pas son ennui. Il trahissait, à chaque instant, son désir de s’en aller. Alors la louve se tournait vers lui, lui touchait le nez avec son nez, pour le rassurer ; puis elle regardait à nouveau vers le camp. Son expression marquait une envie impérieuse, qui n’était pas celle de la faim. Une force intérieure, dont elle tressaillait, la poussait à s’avancer plus avant, à s’approcher de ce feu, à s’aller coucher, près de sa flamme, en compagnie des chiens, et à se mêler aux jambes des hommes.

Ce fut Un-Œil qui l’emporta. Il s’agita tant et si bien que son inquiétude se communiqua à la louve. La mémoire aussi revint à celle-ci de cette autre chose qu’elle cherchait si obstinément, et qu’il y avait pour elle nécessité de trouver. Elle fit volte-face et trotta en arrière, dans la forêt, au grand soulagement du vieux loup qui la précédait, et qui ne fut rassuré qu’une fois le camp perdu de vue.

Comme ils glissaient côte à côte et sans bruit, ainsi que des ombres, au clair de lune, ils rencontrèrent un sentier. Leurs deux nez s’abaissèrent, car des traces de pas y étaient marquées dans la neige. Les traces étaient fraîches. Un-