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Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/92

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mâchée et à demi digérée par la louve, qui la dégorgeait ensuite dans la gueule des cinq louveteaux, en appoint du lait de ses mamelles.

Il était le plus vigoureux de la portée. Plus sonore que celui de ses frères et sœurs était, dans son gosier, le glapissement de sa voix. Le premier, il apprit le tour de rouler, d’un adroit coup de patte, un de ses petits compagnons. Le premier encore, attrapant l’un d’eux par l’oreille, il le renversa et piétina, en grondant sans desserrer ses mâchoires. Ce fut lui qui donna le plus de tracas à sa mère pour le retenir près d’elle, loin de l’entrée de la caverne.

Si l’attrait du jour le fascinait, il ignorait ce qu’était une porte et il ne voyait dans l’entrée de la caverne qu’un mur lumineux. Ce mur était le soleil de son univers, la chandelle dont il était le papillon. Et il s’acharnait obstinément dans cette direction, sans savoir qu’il y eût quelque chose au-delà.

Étrange était pour lui ce mur de lumière. Son père, qu’il avait appris à reconnaître pour un être semblable à sa mère, et qui apportait de la viande à manger, avait une manière toute particulière de marcher dans le mur, de s’y éloigner et d’y disparaître. Cela, le louveteau ne pouvait se l’expliquer. Il avait tenté de s’avancer dans les autres murs de la caverne, mais ceux-ci avaient heurté rudement l’extrémité délicate de son nez. Il avait renouvelé plusieurs fois l’expérience, puis s’était finalement tenu tranquille. Il acceptait le pouvoir que possédait son père de disparaître dans un mur comme une faculté qui lui était