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EN PAYS LOINTAIN

Il était temps de partir. Jacques Baptiste s’arrêta en ajustant un harnais, et immobilisa dans la neige le chien récalcitrant.

Le cuisinier fit un geste de protestation contre le retard qui lui était imposé, ajouta une poignée de lard dans une marmite de haricots qui chauffaient à gros bouillons, et prêta l’oreille. Sloper se leva. Son apparence chétive contrastait d’une façon grotesque avec la mine superbe des Incapables. Faible, le teint olivâtre, échappé d’un trou à fièvre de l’Amérique du Sud, il avait voyagé sous toutes les latitudes, et cependant il se sentait toujours à même de se mesurer avec quiconque. Il ne pesait certainement pas quatre-vingt livres, y compris son lourd couteau de chasse, et son poil grisonnant montrait qu’il n’était plus jeune.

Les muscles frais et dispos de Weatherbee ou de Cuthfert auraient pu accomplir dix fois l’effort des siens, et malgré tout il se piquait de faire crever ces deux-là à la première étape.

Pendant toute la journée, il avait exhorté ses camarades plus vigoureux à risquer un trajet d’un millier de milles parmi les plus terribles difficultés qu’on puisse imaginer. En lui s’incarnait le caractère remuant de sa race ; la vieille ténacité du Teuton, jointe au besoin d’action et à la vivacité du Yankee, tenait la chair soumise à l’esprit.

— Ceux qui veulent partir avec les chiens aussitôt que la glace le permettra, n’ont qu’à le dire.

— Moi ! crièrent huit voix, faites pour égrener le