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Page:London - En pays lointain.djvu/258

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L’ABNÉGATION DES FEMMES

qui lui ont donné le meilleur de leurs provisions et la fleur de leurs chiens ? Jusqu’ici, Passuk n’a cessé d’être fière de son homme ; qu’il se lève, chausse ses raquettes et parte, s’il ne veut perdre son estime. »

Lorsqu’elle se fut refroidie dans mes bras, je me levai, je recherchai le sachet bien rempli, laçai mes raquettes et repris ma route en chancelant, car mes genoux étaient faibles, mes oreilles bourdonnaient, j’étais pris de vertiges et d’éblouissements.

Il me semblait revoir les pistes depuis longtemps oubliées, parcourues dans mon enfance. Assis près de marmites pleines, à la fête du potlach, j’élevais la voix pour chanter et je dansais devant des hommes et des jeunes filles, accompagné du son des tambours en peau de morse. Ou bien Passuk me tenait par la main et lorsque je me couchais pour dormir, elle veillait près de moi. Lorsque je trébuchais et tombais, elle me relevait. Lorsque je me perdais dans la neige épaisse, elle me ramenait sur la bonne piste.

Et c’est ainsi que, comme un homme privé de raison, poursuivi d’hallucinations et dont les pensées sont égayées par le vin, j’arrivai à la Mission Haines, près de la mer.

Sitka Charley ouvrit les rideaux de la tente.

Il était midi. Vers le Sud, disparaissant derrière la morne colline d’Henderson, le soleil posait sur