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ger et entrer comme un cambrioleur par une fenêtre. Comme il traversait le vaste vestibule en marchant doucement vers l’escalier, son père sortit de la bibliothèque. Tous deux s’arrêtèrent, se dévisagèrent avec une surprise mutuelle.

Joë réprimait une forte envie de rire à l’idée du spectacle qu’il devait offrir… Mais la réalité était bien pire qu’il ne l’imaginait. Devant Mr Bronson père se présentait un garçon avec un paletot et un chapeau couverts de boue et dont toute la figure portait les marques d’un violent conflit, nez enflé, œil au beurre noir, lèvre boursouflée et fendue, une joue écorchée, phalanges saignant encore et chemise déchirée à l’épaule.

« Que signifie tout ceci, monsieur ? », articula enfin Mr Bronson.

Joë demeurait interdit. Comment pourrait-il raconter en bref tous les événements de cette soirée ? Car il aurait fallu tout dire pour expliquer son actuel désarroi.

« Avez-vous perdu votre langue ? insista Mr Bronson avec une feinte impatience.

— Je… je…

— Je vous écoute, dit le père, pour l’encourager.

— Je… eh bien ! je suis descendu dans l’Abîme.

— Je dois reconnaître que vous m’avez tout l’air d’en revenir. Je suppose, continua-t-il, que vous faites allusion non pas au séjour des damnés, mais à un quartier bien défini de San-Francisco. Est-ce cela ? »

Mr Bronson parlait sévèrement, mais si jamais il eut peine à retenir un sourire, ce fut bien ce soir-là.

Joë abaissa le bras vers Union Street et déclara