Page:London - La Peste écarlate, trad. Postif et Gruyer, 1924.djvu/112

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qui m’était si chère. Tant que je ne l’aurais pas fait fuir sous mon regard, elle subsisterait en ma pensée.

« Je demeurai donc ainsi, immobile, jusqu’au moment où je fus tiré de mon rêve par des grognements de chiens et par la voix de l’homme, qui me parlait. Savez-vous ce que cette voix disait ?… Non, n’est-ce pas ?… Eh bien, elle me disait :

— D’où diable viens-tu ?

« Oui, telles étaient les paroles textuelles que j’entendais prononcer, Bec-de-Lièvre, en guise de bienvenue, sur les bords du lac Temescal, il y a cinquante-sept ans exactement. Et jamais mots ne me semblèrent plus doux. Je rouvris les yeux.

« Devant moi je vis un homme de haute taille, au regard sombre et dur, à la mâchoire lourde, au front oblique. Je me laissai glisser, plutôt que je descendis de cheval, et tout ce que je sais, c’est que, la minute d’après, je pressais ses mains dans les miennes en pleurant. Je l’aurais embrassé.

« Il ne répondit point à mes effusions, me jeta un coup d’œil soupçonneux et s’éloi-