Page:London - La Peste écarlate, trad. Postif et Gruyer, 1924.djvu/14

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libre et de descendre la pente du remblai. Ainsi agirent-ils tous deux, le vieux allant devant, l’enfant le suivant à reculons, l’arc toujours bandé, et prêt à tirer.

Une fois en bas, ils attendirent, jusqu’à ce qu’un grand bruit de feuilles et de branches froissées, sur l’autre face du remblai, les eût avertis que l’ours s’en était allé. Ils regrimpèrent vers le sommet et le jeune garçon dit, avec un ricanement prudemment étouffé :

— C’en était un gros, grand-père !

Le vieillard fit un signe affirmatif. Il secoua tristement la tête et répondit, d’une voix de fausset, pareille à celle d’un enfant :

— Ils deviennent de jour en jour plus nombreux. Qui aurait jamais pensé, autrefois, que je vivrais assez pour voir le temps où il y aurait danger pour sa vie à circuler sur le territoire de la station balnéaire de Cliff-House[1] ? Au temps dont je te parle, Edwin, alors que j’étais moi-même un enfant, hommes, femmes, petits garçons et petites filles, et bébés, accouraient ici, par dizaines de mille, à la belle saison. Et il n’y avait pas d’ours alors,

  1. La « Maison de la Falaise ». (Note des Traducteurs.)